Vers une déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations ?

Actuellement, la procédure de saisie des rémunérations est la seule procédure d’exécution forcée mobilière qui requiert l’intervention préalable du Juge de l’Exécution et qui est mise en œuvre par les services de greffe des tribunaux judiciaires. Cette procédure est confrontée à un déficit d’attractivité. En effet, la mise en place d’une procédure de saisie des […]

Actuellement, la procédure de saisie des rémunérations est la seule procédure d’exécution forcée mobilière qui requiert l’intervention préalable du Juge de l’Exécution et qui est mise en œuvre par les services de greffe des tribunaux judiciaires.

Cette procédure est confrontée à un déficit d’attractivité. En effet, la mise en place d’une procédure de saisie des rémunérations est longue et lourde pour le créancier du fait de l’engorgement des tribunaux. Le délai d’audiencement peut, dans certaines juridictions, dépasser une année.

Dans le but de rendre la procédure de saisie des rémunérations plus attractive et d’harmoniser son régime avec celui de l’ensemble des mesures d’exécution mobilières, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 prévoit le transfert de sa gestion du greffe du Juge de l’Exécution à un Commissaire de Justice.

L’objectif de la réforme vise à libérer le Juge de l’Exécution et son greffe de cette mission. Néanmoins, ce dernier pourra être saisi, comme pour les autres procédures, de toutes contestations élevées dans le cadre de l’exécution d’une mesure de saisie des rémunérations.

De surcroît, l’étude d’impact met en lumière les économies qui vont être permises avec ce nouveau dispositif tant au niveau des effectifs que des frais.

S’agissant des effectifs, la réforme va permettre la baisse de l’activité du greffe du Juge de l’Exécution et donc du nombre de magistrats affectés à ce contentieux ainsi qu’une baisse de l’activité des régisseurs des tribunaux.

S’agissant des frais, l’étude d’impact indique que la réforme devrait permettre des économies de 4,9 M€ en masse salariale et de 4,2 M€ en frais de notification (946 000 lettres simples ou lettres RAR ne seront plus adressées par les juridictions aux parties chaque année).

Concrètement, comment est envisagée la mise en place de la procédure par les Commissaires de Justice ?

 

Mise en œuvre

 

La réforme entend concevoir la procédure de saisie des rémunérations sur le modèle des autres procédures d’exécution forcée mobilières, notamment la procédure de saisie-vente, avec la délivrance d’un commandement de payer aux fins de saisie des rémunérations.

La délivrance dudit commandement permettra au débiteur de contester la mesure ou de conclure un accord avec le créancier sur les modalités de paiement.

La contestation ne suspendra pas la mesure de saisie des rémunérations sauf si elle est formée dans le mois suivant la signification du commandement.

En cas d’accord, un procès-verbal d’accord sera conclu entre le débiteur et le créancier sur les modalités de paiement si la signification du procès-verbal de saisie n’a pas été régularisée. Ainsi, la procédure sera suspendue.

La saisie reprendra à l’initiative du créancier en cas de non-respect par le débiteur de l’accord ou en cas de signification au premier créancier saisissant d’un acte d’intervention.

La saisie s’opérera par la délivrance d’un procès-verbal de saisie des rémunérations par le Commissaire de Justice à l’employeur du débiteur dans les 3 mois suivant la délivrance du commandement.

L’employeur tiers saisi sera tenu de déclarer au créancier saisissant l’existence de mesures de saisie antérieures.

 

Création de la fonction de Commissaire de Justice répartiteur

 

La réforme prévoit d’organiser la procédure autour du rôle du Commissaire de Justice répartiteur, qui assure un rôle de tiers, interface entre le débiteur, l’employeur et les créanciers, qui demeurent représentés par leur mandataire.

C’est donc à la demande du créancier, qu’un Commissaire de Justice répartiteur sera désigné, dans les conditions définies par décret en Conseil d’État, parmi ceux figurant sur la liste diffusée par la CNCJ.

Il sera chargé de recevoir les versements effectués par l’employeur, de les reverser au créancier saisissant et de répartir les fonds en cas de pluralité de créanciers.

Son identité et ses coordonnées seront portées à la connaissance du tiers saisi et du débiteur. Elles seront mentionnées dans le registre numérique des saisies des rémunérations.

Pour créer cette fonction, il est nécessaire de modifier le statut du commissaire de justice. Par conséquent, le projet de loi propose de modifier l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 en y introduisant une disposition qui impose à la CNCJ la responsabilité d’organiser la formation requise pour les commissaires de justice exerçant la fonction de répartiteur en procédure de saisie des rémunérations. En outre, la CNCJ devra publier chaque année la liste des commissaires de justice ayant suivi cette formation.

 

Mise en place d’un registre numérique des saisies des rémunérations

 

Également, la réforme s’appuie sur la mise en place d’un registre numérique des saisies des rémunérations, qui sera placé sous la supervision de la CNCJ.

Ce registre aura pour but de recenser les mesures en cours, permettant ainsi aux créanciers d’intervenir dans la répartition des sommes saisies, ou potentiellement saisissables en cas d’accord de règlement.

La date d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions sera déterminée par décret, et au plus tard le 1er juillet 2025. Elles s’appliqueront aux procédures en cours à cette date, qu’une autorisation par le Juge de l’Exécution ait déjà été accordée ou non pour la saisie.

En outre, un arrêté devra être établi afin de fixer la tarification des nouveaux actes, une mesure qui est déjà envisagée dans l’étude d’impact du projet de loi.

Publié le : 09/06/2023